Bertier : à la vie.
- Vanessa
- il y a 6 jours
- 3 min de lecture

Photo : Fabian Braeckman pour Branchés Culture
J'ai découvert Bertier en 2018, avec le disque Anna & Roby, deuxième volet d'une série de quatre albums - chacun consacré à l'un des éléments qui constitue notre petit monde. Celui-là visitait l'air, c'est un disque tout bleu qui raconte la relation décousue et passionnée d'Anna la papillonnante et de Roby le monte-en-l'air, au fil d'une musique indiscernable : est-ce de la pop, de la chanson, de la musique du monde ? Le flou est savamment entretenu et ça ne m'a pas dérangée. C'était juste beau, hypnotique, intrigant. J'ai commencé à les suivre.
Le collectif est né en 2015 autour de Pierre Dungen - qui mise toute son âme sur l'écriture et, ne jouant pas de musique, s'est entouré d'instrumentistes extrêmement talentueux. À géométrie variable, la formation peut s'enorgueillir de compter régulièrement parmi les siens le guitariste Yan Péchin (HF Thiéfaine, Alain Bashung, Brigitte Fontaine, ...) et le violoncelliste Jean-Francois Assy (Alain Bashung, William Sheller, ...). Bertier, c'est aussi la voix féminine de Lara Herbinia, que de nombreu.x.se.s artistes connaissent pour son art de capturer l'instant merveilleux quand il se produit sur une scène.
Depuis lors, il s'est passé beaucoup de choses. Les quatre éléments ont été visités en musique, autant de disques sont sortis, et Bertier a traversé une pandémie, une industrie musicale qui ronchonne tout ce qu'elle peine à définir, et quelques frontières, jusqu'au Japon.
La vérité étant que moi-même, du haut des mes centaines d'heures d'écoute de tant de styles musicaux, je n'ai jamais compris Bertier. Après le réel coup de cœur d'Anna & Roby, je n'ai parfois plus été sûre de les aimer - sans doute pour cette même raison. Ils me rappelaient tantôt Arthur H, tantôt Gainsbourg ou Benjamin Biolay, et puis tout à coup ils viraient de bord, tentaient différemment, me perdaient en route. Mais le serpent se mordait la queue. J'y revenais toujours. Sceptique et fidèle tout à la fois.
En 2025, les dix ans de Bertier se fêtaient à Bruxelles, entre les murs de l'enchanteresse "Fleur en papier doré", rue des Alexiens. Un endroit qui leur va bien, où des citations profondes et incongrues décorent chaque centimètre de mur et où l'on ne serait pas étonnés de croiser l'âme de Magritte ou de voir une pièce s'ouvrir sur le fond piqué d'un miroir. L'événement coïncidait avec la sortie de leur livre Le Livre des livrets, une compilation de textes de Pierre Dungen, illustrés par une vingtaine d’artistes qui ont collaboré avec le groupe. Avant le concert était aussi présenté le court-métrage d’animation internationalement multi-récompensé Machine Ronde de Lucas Racasse.
Machine ronde, c'est le dernier opus, celui de l'élément terre. Il célèbre le vivant, le goûlu, la jouissance, à contre-courant d'un monde qui râpe les chairs et les âmes. Je suis allée à ce concert parce que j'aime Lara et Pierre (qui sont devenus des amis), et parce que je n'aime pas m'arrêter à ce que je ne comprends pas. Et, alors que je n'attendais rien d'autre que célébrer leur anniversaire avec eux, j'ai compris que j'avais eu tort d'essayer de comprendre. Ce concert était fabuleux. Dans la toute petite arrière-salle du café, nous étions quelques dizaines tout collés-serrés devant la scène où une poignée d'artistes fantastiques fabriquaient de la musique avec une joie authentique et contagieuse. Un cadre léché, un set soigné, une musique au cordeau, et à l'intérieur : de grands enfants qui prennent plaisir, plusieurs brins de folie et une générosité à toute épreuve. Bertier a 10 ans et nous invite peut-être, "simplement", à ne pas oublier de cultiver nos cours de récré.














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