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Au sombrero de la station Pannenhuis. J'ai rencontré Nicolas Jules

Pour comprendre le titre de cet article, je vous encourage à visionner le clip réalisé par l'excellente Lara Herbinia pour le titre "Six heures et demie", sur la chaine Youtube de Nicolas Jules.


Si vous ne connaissez pas Nicolas Jules, il est temps de combler cette lacune : sa discographie prolifique contient forcément une part de votre bonheur et sa présence scénique remporte l'adhésion unanime depuis 1998. Nicolas n'est pas toujours bavard, il est solitaire, effacé même parfois, mais Nicolas regarde, écoute, écrit, tourne le monde en pâte mélodieuse, homogène et triste, et en fait de petits pains-chansons tout chauds. En concert, le rire vient en prime, garanti. Parce que Nicolas est timide, mais qu'il n'a jamais le trac. La scène, ça vient tout seul, c'est un jeu. Et puis il faut vivre, longtemps, fort, avant la fin des temps. Dérision et gravité résumées en trois phrases parfaites : "Tu savais que les méduses sont les être vivants qui se rapprochent le plus de l'immortalité ? Eh bien, parfois, j'aimerais être une méduse. J'aime tellement la vie."


Nicolas Jules en 2024, c'est plus de 2000 concerts et un agenda de tournée long comme le bras, un prix au Printemps de Bourges, deux coups de cœur de l'Académie Charles Cros et un grand Prix de ce même Charles pour "Crève-Silence" en 2017. Son dernier disque vient de sortir. Il s'appelle La Reine du secourisme.


Mais ça, tout le monde le découvre facilement en deux clics, sur Internet.


Pour découvrir d'autres choses, j'ai invité Nicolas à me rejoindre dans un bar que j'apprécie pour son calme. Les fauteuils y sont gigantesques, les lustres caractériels, la carte dithyrambique même au sujet du simple chocolat chaud "au véritable chocolat belge"... De cet endroit hypertrophié, à la fin de notre échange, Nicolas me dira "C'est irréel tout ça... le réel c'est la lumière, c'est l'océan... même mes chansons me paraissent plus réelles que tout ça."


Dans ses chansons, Nicolas traduit des sensations, couleurs, bruits, odeurs, ... Il parle de ses disques comme un peintre de ses tableaux. Petit, il dessinait car c'était le seul art accessible dans la maison familiale : il y avait du papier, des crayons, mais aucun instrument. L'art était tabou et la musique défendue, proscrite, on a essayé de l'en dégoûter. Pour sa première guitare, il avait 20 ans. Autodidacte, appliqué, la première chanson a suffi à faire céder le barrage. Depuis et sans discontinuer, Nicolas écrit, compose et produit des disques.


S'il ne s'arrête jamais, comment sait-il qu'un disque est fini et qu'un autre commence ? "C'est une intuition. Je travaille aussi avec des contraintes et si, par exemple, je pense faire un disque 'rouge', mais que je produis des choses 'bleues', je les garde, je les mets de côté pour plus tard. Pourtant je ne sais pas tout de suite que je suis en train de faire un disque 'rouge'. Ça apparait petit à petit, je le découvre en le faisant. Et pendant que je travaille un disque, je commence déjà à penser à la prochaine couleur."


Dans ses chansons, Nicolas parle beaucoup d'amour, presque toujours. La peine de cœur est un sujet inépuisable, qu'il a commencé à explorer "même quand je ne l'avais pas vécu. Dans mes premières chansons, je ne savais pas de quoi je parlais. Puis, j'ai su, et ça a donné Crève-Silence. J'ai d'ailleurs hésité à faire ce disque parce qu'il parle vraiment de moi. Puis j'ai pensé que personnellement, ce que je vais chercher en tant que public chez un artiste, c'est qu'il se livre, qu'il se dévoile. Alors j'ai assumé."


Il se dévoile aussi beaucoup autour de notre café. On reste dans ce bar plus de deux heures et le patron commence à nous regarder bizarrement, nos tasses sont vides, d'autres clients arrivent, commencent à faire beaucoup de bruit, Nicolas n'a l'air de rien remarquer et je me garde bien de le distraire. Il me raconte, il se raconte : son enfance, sa famille, Poitiers, Bruxelles, sa vie dans les trains et dans les bars, ses rencontres avec Miossec et Jacques Higelin, ce qu'il écoute en ce moment, son besoin de mouvement, sa soif de vie, les photos de Thibaut Derien, ses amitiés artistiques au long cours avec Roland Bourbon et Frédéric Jouhannet, ses carnets, sa manière d'écrire, de laisser les mots affleurer à la surface après 3 heures de silence et n'en garder que deux quand il en a rédigé dix. Il a la patience de l'orfèvre pour allier des phrases qui formeront l'image qui vous, qui nous, restera à l'esprit après chacune de ses chansons.


Avec tout ça, je n'ai pas encore écouté La Reine du secourisme.

Mais je sais que je vais l'aimer et je n'avais pas besoin de passer par là pour vous raconter tout ça.


Comme Boris Vian, Léo Ferré, Leonard Cohen, Nicolas Jules est un authentique poète dont chaque disque affirme un peu plus la singularité. Sa musique, rock sombre, voix grave, s'abreuve aux racines du blues et aux musiques traditionnelles "les seules qui ne me semblent pas déformées par l'usage". Chaque titre est un bijou unique, taillé pour susciter la contemplation d'une émotion, d'un instant, d'une fragilité. Nicolas Jules n'est pas sorti indemne de ses vies émotives, et on ne sort pas indemne de Nicolas Jules.


Pour écouter et acheter sa musique, pour le découvrir sur scène, rendez-vous sur www.nicolasjules.com.


Ne le cherchez pas sur les plateformes de streaming ni dans les tiroirs d'un label : Nicolas Jules s'auto-produit, par conviction et volonté de cohérence, par économie élémentaire aussi. Le streaming, ça rapporte plus au streaming qu'aux artistes.

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